
Lettre 6 - Voyage en train Paris-Bruxelles
Le Voyage du Proscrit : Victor Hugo en Train pour Bruxelles
Le Contexte : La Fuite d'un Homme Traqué
Après l'échec de la résistance au coup d'État du 2 décembre 1851, Victor Hugo devient l'un des hommes les plus recherchés de France. Sa tête est mise à prix. Pour échapper à une arrestation certaine, la fuite est sa seule issue. Son objectif : Bruxelles, en Belgique, premier refuge des proscrits républicains. Le moyen pour y parvenir : le chemin de fer, cette modernité qui relie les capitales mais qui, pour un fugitif, transforme chaque gare en un piège potentiel.
L'Itinéraire : Le Chemin de Fer du Nord en 1851
En 1851, la grande ligne de la Compagnie des chemins de fer du Nord est l'artère vitale qui connecte Paris au nord de l'Europe. Le trajet vers Bruxelles est bien établi. Partant de la Gare du Nord à Paris, le convoi s'engageait sur un parcours qui est aujourd'hui encore le squelette du réseau ferré de la région.
Pour un voyageur comme Hugo, ce trajet représentait une succession de points de contrôle et de dangers. Les principaux arrêts sur la ligne étaient :
- Amiens
- Arras
- Valenciennes
C'est à Valenciennes, dernière grande ville française, que la tension devait être à son comble. Le train se dirigeait ensuite vers la ville frontière de Quiévrain, en Belgique, où s'effectuait le contrôle des passeports. Une fois la frontière passée, le chemin vers la liberté passait par Mons avant d'atteindre sa destination finale, Bruxelles.
À quoi Ressemblait le Train de la Liberté ?
S'imaginer ce voyage, c'est aussi se représenter le convoi dans lequel Hugo a passé ces heures critiques. Grâce aux précieuses recherches de l'historien Clive Lamming (du site Trainconsultant), nous pouvons nous faire une idée précise de ces trains. Selon lui, bien qu'il n'existe pas de photographies de cette époque précise, des dessins techniques de 1843 et des clichés de la fin des années 1850 montrent des voitures de la Compagnie du Nord très similaires à celles utilisées lors du voyage de Victor Hugo.
Le Voyage : Une Nuit d'Angoisse en Deuxième Classe
Sous l'identité de l'ouvrier imprimeur Jacques-Firmin Lanvin, la barbe et les moustaches rasées, Victor Hugo monte dans le train de nuit à la Gare du Nord, dans la soirée du 11 décembre 1851.
Pour que son déguisement soit crédible, il voyage en deuxième classe. C'était le seul choix cohérent pour un modeste artisan, la première classe, plus luxueuse et moins fréquentée, l'aurait rendu bien trop visible. La durée du voyage à cette époque était d'environ huit à dix heures. Hugo, parti le soir, arrivera au petit matin du 12 décembre à Bruxelles.
Ce ne fut pas un voyage ordinaire. Chaque arrêt, chaque ralentissement, chaque passage de contrôleur était une épreuve. Le proscrit, assis dans le dernier wagon, devait feindre le sommeil et l'indifférence, alors que son destin se jouait à chaque instant. Le passage de la frontière à Quiévrain fut le moment le plus critique. Mais son déguisement et le faux passeport, justifié par une lettre d'invitation de son éditeur bruxellois, ont trompé la vigilance des autorités.