Lettre 4 - Giuseppe Mazzini
Giuseppe Mazzini, l'âme de l'Italie en exil
Figure emblématique du XIXe siècle européen, Giuseppe Mazzini est l'un des pères du Risorgimento, le mouvement pour l'unification et l'indépendance de l'Italie. Théoricien républicain et révolutionnaire infatigable, il a fondé dans sa jeunesse le mouvement "Jeune-Italie" (Giovine Italia) qui visait à libérer la péninsule italienne de la domination étrangère, notamment autrichienne, et à y établir une république unie. Au moment où Victor Hugo lui écrit, en septembre 1851, Mazzini est un proscrit. Contraint à l'exil après l'échec des révolutions de 1848 et de l'éphémère République romaine de 1849, il vit principalement à Londres, qui est alors le refuge de nombreux révolutionnaires européens. Il y incarne la persévérance du combat républicain contre les monarchies et les empires.
Une convergence d'idéaux : la République universelle
Victor Hugo et Giuseppe Mazzini ne sont pas seulement contemporains, ils partagent une fraternité d'esprit profonde. Tous deux sont des figures majeures du républicanisme européen et rêvent d'un avenir de liberté et de souveraineté pour les peuples. Leur correspondance témoigne d'une admiration mutuelle et d'une vision commune qui dépasse les frontières nationales. Ils sont tous deux des partisans convaincus d'une fédération des peuples libres, que Hugo nommera les « États-Unis d'Europe ». Pour Hugo, Mazzini n'est pas seulement le champion de la cause italienne ; il est un frère dans le grand combat pour la "République universelle", un combat où la libération de l'Italie, de la Hongrie ou de la Pologne est indissociable de la défense de la République en France.
Une réponse, une "poignée de main" dans la mêlée
À la fin du mois de septembre, alors que ses fils sont en prison et que la menace pèse sur lui, Victor Hugo reçoit une lettre de soutien de la part de Giuseppe Mazzini. Sa réponse, datée du 28, est brève mais d'une grande portée symbolique. Loin d'être une simple politesse, elle est un acte politique. En quelques lignes, Hugo se positionne en frère d'armes. Il lie explicitement son propre "crime" – la défense du peuple en France – à celui de la défense des "nationalités en Europe", la cause même de Mazzini. Cette "poignée de main" échangée "au milieu de cette mêlée" est la reconnaissance d'une lutte commune. Par cette réponse, Hugo montre qu'il se perçoit non pas comme une victime isolée de la politique française, mais comme un soldat dans la grande armée des républicains européens.
Voici le texte intégral de cette lettre.
À Mazzini
Monsieur,
Votre noble et éloquente lettre m’a vivement ému. Elle m’est parvenue au milieu du combat acharné que je soutiens contre la réaction, qui ne me pardonne point d’avoir défendu, sans reculer d’un pas, le peuple en France et les nationalités en Europe. Voilà mon crime.
Cependant mes deux fils sont en prison : demain, peut-être, ce sera mon tour ; mais qu’importe...
Je suis heureux d’avoir reçu, au milieu de cette mêlée, une poignée de main du grand patriote Mazzini.
Victor Hugo.
Paris, 28 septembre 1851.