Lettre 2 - Léonie d'Aunet

Exploratrice, Écrivaine et Passion Secrète de Victor Hugo

Née à Paris en 1820, Léonie Thévenot d'Aunet est une figure fascinante du XIXe siècle, connue à la fois comme romancière, dramaturge, exploratrice et pour sa liaison passionnée et scandaleuse avec Victor Hugo. Sa vie fut marquée par l'aventure, la création littéraire et les tumultes d'un amour interdit qui eut des conséquences dramatiques.

Une Pionnière de l'Exploration Arctique

Avant de connaître la célébrité littéraire et les affres de la passion, Léonie d'Aunet se distingua par son audace. En 1839, à peine âgée de 19 ans elle brave les conventions et les oppositions, en accompagnant son futur mari, le peintre François-Auguste Biard, lors d'une expédition scientifique majeure au Spitzberg, à bord de la corvette La Recherche. Elle devint ainsi l'une des premières femmes, sinon la première, à s'aventurer aussi loin au nord, au-delà du cercle polaire arctique.

Cette expérience unique nourrit son premier grand succès littéraire, Voyage d’une femme au Spitzberg, publié initialement en feuilleton puis en volume en 1854, qui connut un immense succès et de multiples rééditions. Mariée à Biard le 3 juillet 1840, peu après son retour, elle devint une figure remarquée des salons parisiens.

La Rencontre avec Victor Hugo et la Passion Secrète

C'est probablement dans un salon parisien, au début de l’année 1844, que Léonie d'Aunet rencontra Victor Hugo. L'écrivain, alors âgé d'une quarantaine d'années et récemment endeuillé par la mort tragique de sa fille Léopoldine, fut séduit par la beauté, l'esprit et l'aura d'aventure de la jeune femme.

Une liaison passionnée débuta entre eux, qui dura environ sept ans. Hugo, très épris, lui dédia des poèmes et la soutint dans sa carrière naissante. Cette relation redonna un temps goût à la vie à l'écrivain. Cependant, cet amour était doublement clandestin : Hugo était marié à Adèle Foucher et entretenait une relation de longue date avec sa maîtresse "officielle", Juliette Drouet, tandis que Léonie était mariée à François-Auguste Biard.

Le Flagrant Délit et ses Conséquences Immédiates (Juillet 1845)

La liaison passionnée mais clandestine entre Léonie d'Aunet et Victor Hugo connut un tournant dramatique en 1845. Léonie avait demandé la séparation de corps d'avec son mari, le peintre François-Auguste Biard, en avril 1844, ce qui avait sans doute éveillé ou renforcé les soupçons de ce dernier. Sentant l'infidélité de sa femme, Biard organisa un guet-apens. Dans la nuit du 4 au 5 juillet 1845, accompagné d'un commissaire de police, il surprit Léonie et Victor Hugo en flagrant délit d'adultère dans une chambre d'un hôtel meublé situé passage Saint-Roch, à Paris.

Les conséquences furent immédiates et révélatrices des inégalités de l'époque :

  • Victor Hugo, protégé par son statut de Pair de France, invoqua son immunité parlementaire et échappa à l'arrestation et aux poursuites. Le scandale fut néanmoins considérable et l'obligea à une certaine discrétion publique pendant un temps. Pour calmer les rumeurs persistantes dans la capitale, il fit même savoir qu'il partait en mission officielle en Espagne, alors qu'en réalité, il se réfugiait discrètement chez Juliette Drouet, qui ignorait encore tout de l'affaire.
  • Léonie d'Aunet, en tant que femme adultère, n'eut pas cette chance. Elle fut arrêtée sur-le-champ. Elle passa deux mois en détention à la prison pour femmes de Saint-Lazare, avant d'être transférée dans des couvents (celui des Dames de Saint-Michel, puis celui des Augustines) où elle resta enfermée plusieurs mois supplémentaires.

Sa libération intervint après que son mari eut retiré sa plainte. Suite à une courte pénitence imposée dans un monastère, le tribunal prononça la séparation de corps et de biens d'avec son époux, lui permettant de reprendre son nom de jeune fille. Malgré l'humiliation publique et l'épreuve de l'emprisonnement, elle fit preuve d'une grande résilience pour reconstruire sa vie.

Les Lettres à Juliette Drouet : La Révélation Douloureuse

Environ six ans après le scandale du flagrant délit de 1845, un incident vint brutalement exposer la situation et raviver les tensions. Le 28 juin 1851, Léonie d'Aunet prit une décision lourde de conséquences : elle fit parvenir à Juliette Drouet, la maîtresse de longue date et dévouée de Victor Hugo, un paquet noué d'un ruban et scellé aux armes du poète : Ego Hugo. Ce paquet contenait une sélection des lettres d'amour enflammées que l'écrivain lui avait adressées depuis 1844.

Pour Juliette, qui ouvrit le paquet, ce fut l'équivalent d'une "bombe qui vient d'éclater". Elle découvrit, horrifiée, non seulement la preuve irréfutable d'une liaison sérieuse, mais surtout son intensité et sa durée : sept années de passion cachée. En lisant "au hasard", elle retrouvait les mêmes mots, les mêmes images, les mêmes déclarations passionnées ("Tu es un ange", "Tu es la lumière de mes yeux... tu es la vie même de mon cœur", "Vois-tu, dans les moments où je pénètre dans toi... je voudrais mourir...") que celles que Victor Hugo lui avait prodiguées pendant leurs dix-huit années de relation. Pour ajouter à la cruauté, un mot de Léonie accompagnait les lettres, précisant que leur liaison durait toujours, qu'elle était reçue "amicalement" dans la famille Hugo, que Madame Hugo (Adèle Foucher) approuvait cette situation, et que si Victor n'avait pas encore rompu avec Juliette, c'était par pure pitié. Léonie priait donc Juliette de briser elle-même ces liens devenus pesants.

Le choc fut terrible pour Juliette Drouet, qui se sentit "trompée, bafouée". Dans un état voisin de la folie, elle erra toute la journée dans Paris avant de rentrer le soir, espérant une explication de Victor et envisageant de se retirer chez sa sœur à Brest. Hugo, confronté à la situation, "ne nia rien" mais supplia Juliette de lui pardonner, minimisant la liaison avec Léonie comme un "banal entraînement de la chair" et affirmant que son âme restait entièrement acquise à Juliette, sa "vraie maîtresse", même s'il la désirait moins. Trop fière pour accepter ce qu'elle considérait comme un "sacrifice" et un amour partagé, Juliette exprima sa douleur dans une lettre déchirante datée du jour même (la lettre 6 de la collection de correspondances de Victor Hugo).

Suite à cette crise, Juliette, de nouveau "envoûtée", accepta un délai de quatre mois pendant lequel Hugo devait choisir entre les deux femmes. Léonie, "démontée par l'échec de sa manœuvre", perdit du terrain.

Reconstruction et Carrière Littéraire Malgré Tout

Malgré le scandale du flagrant délit, l'épreuve de l'emprisonnement et cette révélation douloureuse faite à Juliette Drouet, Léonie d'Aunet fit preuve d'une remarquable force de caractère pour surmonter ces épreuves et se reconstruire.

Étonnamment, elle reçut le soutien inattendu de l'épouse trompée de Victor Hugo, Adèle Foucher. Ce soutien peut paraître d'autant plus surprenant que Juliette Drouet soulignera plus tard le contraste entre l'accueil 'amical' réservé à Léonie par la famille Hugo et le traitement de paria qu'elle-même a longtemps subi. Ironiquement, c'est aussi Adèle que Victor Hugo chargera, quelques années plus tard, de dissuader Léonie de venir le rejoindre en exil.

Adèle Foucher joua un rôle actif pour l'aider à lancer sa carrière littéraire, notamment en facilitant la publication de son célèbre récit de voyage, Voyage d’une femme au Spitzberg, qui connut un grand succès. De son côté, Victor Hugo, bien que désormais séparé d'elle et bientôt en exil, continua également à la soutenir financièrement de manière discrète, et ce jusqu'à la mort de Léonie en mars 1879. Il lui avait d'ailleurs adressé encore des mots tendres après sa sortie de prison, signe que la rupture ne fut pas immédiatement totale.

Forte de ces appuis et de sa propre détermination, Léonie d'Aunet poursuivit avec succès sa carrière d'écrivaine, publiant d'autres romans, des nouvelles, des pièces de théâtre et collaborant à divers journaux, affirmant ainsi son indépendance et son talent littéraire face à l'adversité.

L'histoire de Léonie d'Aunet illustre la complexité de la condition féminine au XIXe siècle, entre désir d'émancipation, passion amoureuse et poids des conventions sociales. Son audace d'exploratrice et sa liaison tumultueuse avec l'un des plus grands écrivains de son temps en font une personnalité inoubliable, dont la vie fut marquée par la gloire littéraire autant que par la souffrance personnelle.

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