Lettre 1 - Juliette Drouet et sa fille
Juliette Drouet, dévouée à Hugo, marquée par la mort de Claire Pradier
Origines et premières années difficiles
Julienne Gauvain, plus connue sous le nom de Juliette Drouet, naît à Fougères en 1806. Orpheline de mère et de père dès son plus jeune âge, elle est élevée par sa tante maternelle, Françoise, et son mari René-Henry Drouet. Ce dernier lui donne le nom de famille qu’elle adoptera définitivement, agrémenté parfois d’un tréma : « Juliette Droüet ». Ses premières années de vie sont marquées par des épreuves et des séparations. Placée dans un couvent parisien entre 1816 et 1821, Juliette connaît une existence peu épanouie qu’elle évoque plus tard avec dégoût, parlant du « ruisseau » où elle est tombée.
Carrière d’actrice et premières relations amoureuses
Juliette Drouet débute sa carrière d’actrice à Bruxelles en 1828 avant de rejoindre les scènes parisiennes. Actrice de beauté saisissante, elle connaît un succès relatif, mais sa carrière reste marquée par des échecs et des scandales. Elle entame une relation avec le sculpteur James Pradier, avec qui elle a une fille, Claire, née en 1826. Cependant, ses problèmes financiers, notamment liés à son ancien amant Scipion Pinel, l’entraînent dans de nombreuses complications judiciaires. Elle fréquente aussi le journaliste Alphonse Karr, qui lui promet le mariage mais la déçoit finalement.
Rencontre avec Victor Hugo et dévouement sans faille
En 1833, lors des répétitions de Lucrèce Borgia, Juliette rencontre Victor Hugo, et une passion fulgurante naît immédiatement. Leur relation, marquée par des hauts et des bas, va rapidement devenir essentielle pour Hugo, malgré ses infidélités. Juliette, pourtant, se dévoue corps et âme à lui, devenant sa secrétaire, sa confidente et sa complice. Elle lui écrit des milliers de lettres, dans lesquelles elle exprime son amour profond, ses doutes, sa jalousie et son admiration sans borne. Ses écrits reflètent non seulement ses états d’âme, mais aussi un engagement total : elle devient la première lectrice de ses œuvres et consigne quotidiennement sous forme de “restitus” les événements de sa vie et ses préoccupations.
Pour lui plaire, Juliette abandonne sa vie opulente, y compris sa relation avec le prince Demidof, vend ses bijoux et son mobilier somptueux, et cherche à résoudre ses problèmes financiers. Elle s’installe dans des logements plus modestes, d’abord au 4 bis rue Paradis, puis au 14 rue Saint-Anastase, tous deux financés par Hugo, afin de se rapprocher de lui. Son existence devient entièrement consacrée à lui, à ses œuvres et à ses besoins, copiant même ses manuscrits. Jamais loin de lui, Juliette choisit de vivre dans l’ombre de l’homme qu’elle aime, se mettant en retrait pour lui offrir une aide inconditionnelle.
Le drame de sa fille Claire Pradier
Le tragique destin de sa fille Claire marque profondément Juliette. Claire Pradier, née en 1826, était la fille de Juliette Drouet et du sculpteur James Pradier. Bien que Pradier n’ait pas officiellement reconnu Claire, il n’a jamais nié sa paternité. Claire souffrait d’une santé fragile et a dû faire face à de nombreuses difficultés dans sa vie. Elle échoua à l’examen pour devenir institutrice le 2 mars 1846, ce qui lui causa une immense tristesse. Sa santé se détériora rapidement et elle mourut de la tuberculose le 21 juin 1846. Elle fut enterrée à Saint-Mandé, conformément à ses dernières volontés. Victor Hugo, qui nourrissait une profonde affection pour Claire, fit ériger sa pierre tombale en 1852, après que Pradier ait failli à sa promesse de sculpter un monument en son honneur. Cette perte fut un drame personnel immense pour Juliette Drouet, amplifié par la solitude et la souffrance psychologique qu’elle traversa à cette époque.