
Lettre 6 - Passeport Victor Hugo
Le Faux Passeport de Victor Hugo : L'Ingénieuse Fuite d'un Proscrit
De la barricade à la clandestinité
Au lendemain du coup d'État du 2 décembre 1851, Victor Hugo, qui a tenté d'organiser la résistance républicaine à Paris, devient l'un des hommes les plus recherchés de France. Louis-Napoléon Bonaparte a mis sa tête à prix. Pour échapper à l'arrestation et à une probable déportation, la fuite est sa seule option. Mais pour un proscrit dont le nom est connu de tous, quitter le pays relève de l'exploit. Voyager sous son propre nom est impossible ; il lui faut une fausse identité, et donc, un faux passeport.
Le Passeport de l'Ouvrier Lanvin
La solution viendra grâce à un passeport emprunté, obtenu par sa fidèle maîtresse, Juliette Drouet. Il appartient à un ouvrier typographe du nom de Jacques-Firmin Lanvin. Le choix n'est pas anodin : l'homme est imprimeur, un milieu que Hugo connaît bien. Pour ressembler à cet inconnu et tromper les autorités, Hugo doit sacrifier son apparence : il se rase la barbe et les moustaches qui le rendaient si reconnaissable, se vieillit et adopte l'allure d'un modeste artisan. Le passeport, document essentiel, est la première pièce de ce plan d'évasion.
Passeport "République française" au nom de « Jacques Firmin Lanvin »
utilisé par Victor Hugo pour le départ en exil
Source : Paris Musées, Collection
La Lettre de Luthereau : La Clé de l'Évasion
Le passeport seul ne suffisait pas. Dans ce climat de haute surveillance aux frontières, il fallait une justification crédible pour se rendre en Belgique. Le simple désir de voyager aurait paru suspect.
Cette aide cruciale viendra d'un autre républicain français déjà réfugié à Bruxelles : Jean-Baptiste Luthereau. Publiciste et imprimeur, il rédige une lettre d'invitation au nom de sa petite imprimerie bruxelloise, offrant un emploi à l'ouvrier typographe Lanvin. Cette lettre fournissait le prétexte professionnel parfait qui rendait le voyage légitime aux yeux des autorités. Ce n'est qu'une fois ce document en sa possession que Hugo put enfin utiliser le passeport de Lanvin en toute sécurité.
Le Voyage : Une Nuit d'Angoisse vers Bruxelles
Muni du passeport et de la précieuse lettre, Victor Hugo prend le train de nuit le 11 décembre 1851. Pour parfaire son rôle, il voyage en deuxième classe. Après une nuit d'angoisse, il passe la frontière et arrive au petit matin du 12 décembre à la Gare du Nord de Bruxelles, où Jean-Baptiste Luthereau l'attend sur le quai.